Manuel – Musicien (presque) par hasard

Manuel, "assis" devant le fauteuil qui recouvre la façade de sa maison.

Le pote de ce dimanche est Manuel, un vieux musicien chilien pas comme les autres. C’est l’histoire de la bohème de Valparaiso, ville portuaire du centre du Chili, célèbre pour ses Cerros bucoliques et ses légendes nocturnes.


La musique, Manuel y est tombé petit comme un Obélix dans une marmite de potion mélodique. Il vient d’une famille de musiciens amateurs, sa grand-mère jouait de la guitare, son oncle de la mandoline, sa « mama » se débrouillait bien au piano et à la gratte, comme son frère. Doté d’une bonne oreille, le petit Manuel a toujours été fasciné par la musique. Alors tout seul, il apprend le solfège et commence à tâter de la guitare avant de découvrir l’accordéon puis l’orgue, qui deviendra sa grande passion. Doué, il commence à en jouer le dimanche à l’église de son quartier. Son quartier, c’est le Cerro Alegre, le quartier artiste et bohème de Valparaiso où s’alignent à flan de montagne les petites maisons colorées par les fresques d’artistes de passage. La nuit, le Cerro est hanté par les chats des rues, où résonnent la musique.

La vingtaine approchant, il lui fallait bien choisir un métier. A ce moment là, Oscar Acevedo, saxophoniste célèbre dans les sixties pour avoir joué dans le groupe de jazz Los Greco’s, cherche un pianiste pour l’accompagner. Manuel tente sa chance et décide de passer l’audition au culot. Le saxophoniste aime sa façon de jouer, son engouement, sa sensibilité. Bingo. Le jeune organiste autodidacte est engagé par le grand maitre du jazz. Son destin est alors lancé, il sera pianiste professionnel.

‘A vrai dire, je n’avais jamais vraiment pensé à faire de la musique mon métier. Jusqu’à ce qu’Oscar croit en moi et me convainc de me dédier à la musique. Il m’a appris quasiment tout ce que je sais sur l’harmonie moderne et le jazz.’

LA VIE DE PALACE

Il passe quatre ans auprès de son maître. Il l’accompagne à l’orgue tous les soirs au Markoa, à l’époque le restaurant le plus chic de la ville. Puis plus tard, deux autres musiciens les rejoignent pour former un quartet à succès, les Luaus; ils se produisent dans les plus beaux palaces de ville. Là, il commence à côtoyer le gratin mondain et commence à se faire un nom dans le milieu.

‘Mes plus beaux souvenirs viennent de mes années passées à l’hôtel Miramar, j’adore cet endroit. C’est l’hôtel le plus luxueux des environs, avec une vue impressionnante sur la baie de Valparaiso, c’était un vrai plaisir d’y jouer. Mais surtout, ce fut l’occasion d’y rencontrer de nombreux artistes que j’admirais beaucoup comme Roberto Carlos ( le chanteur brésilien le plus populaire, sorte de Johnny Hallyday tropical), Benito di Paula ( sambista ), Sting avec The Police, Gilbert Bécaud, Raphaël de España et d’autres grands artistes internationaux.’

DE CROONER DE LUXE A STAR DU CERRO ALEGRE Ici, Manuel avec Gilbert Bécaud, un de ses idoles

Après de longues années à jouer dans les plus beaux hôtels de la région et de rencontres avec ses idoles, Manuel s’est retiré dans son cher Cerro Alegre. Il y continue de jouer dans des petits restaurants de quartier pour le plus grand plaisir des touristes. Son nouveau répertoire se compose désormais de ses airs fétiches comme la musique brésilienne, la bossa nova et la samba, le jazz bien sûr et depuis peu il s’initie à la valse péruvienne.

Il partage ses journées entre son petit-neveu, qu’il garde après l’école et le bricolage de machines à sous. Pour arrondir ses fins de mois, le vieux musicien répare des machines à sous qu’il entrepose dans une chambre de sa maison. Il accueille aussi les voyageurs dans sa grande maison centenaire au parquet qui craque et aux étagères pleines de souvenirs.

Il est resté une célébrité dans son quartier. Quand il se balade dans les rues de son Mont Joyeux, les voisins l’arrêtent pour le saluer, lui témoigner leur sympathie avec un brin d’admiration dans le regard. Un petit monsieur adorable et discret, de ceux qui sourient avec les yeux, de ceux qui ont toujours tant d’histoires à partager.

Dernièrement, ce fut à la télévision qu’une d’entre elles a été racontée. Joe Vasconcellos, un célèbre chanteur-compositeur chilien, a confié à une journaliste comment sa rencontre avec Manuel a été décisive dans sa carrière.

‘Au début des années 80, je pensais quitter le Chili car je n’arrivais pas à vivre de ma musique. J’allais vendre mes instruments pour récupérer de l’argent. A l’hotel O’Higgins, j’ai rencontré Manuel Villalobos. Il m’a dit ne rien vendre et qu’il connaissait un musicien qui cherchait un crooner. Grâce à lui j’ai réussi l’audition et donc de rester au Chili. Son ami musicien était Raul di Blasio, leader du célèbre groupe Los Congresso.’

Manuel, musicien, organiste autodidacte, star des palaces, réparateur de machines à sous, arrière oncle complice, adorable hôte, un livre ouvert et quel sacré livre! Un extraordinaire pote du dimanche quoi.

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Fermez les yeux, ouvrez les oreilles, téléportez-vous dans le salon de Manuel pour une répétition avec sa chanteuse, Jenny.

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