Le pote de ce dimanche est un pote un peu particulier. C’est un monsieur de 92 ans né en Italie, ancien résistant et marin au long court, qui est venu tenter l’aventure brésilienne dans les années 50. Il se repose aujourd’hui dans une maison de retraite dans la banlieue de Rio de Janeiro. Il a bien voulu partager ses souvenirs et ses aventures peu communes avec vous. Vous découvrirez ses aventures au fil de ses anecdotes, sur plusieurs dimanches.
Pour l’heure, nous revenons avec lui sur son enfance marseillaise et sa jeunesse, pendant la seconde guerre, à Salon de Provence.
Ce portrait fait partie d’une série autour de la vie de Joseph, retrouvez les autres épisodes :
1 – Les années de jeunesse 2- Les années dans la résistance 3- Les années brésiliennes 4- Les dernières années
Le père de Joseph en uniforme militaire. Photo prise à son engagement dans l’armée française en 1939.
« Je suis né en Italie, mais mes papiers sont français. Ma mère s’appelait Dalciero, elle avait un petit titre de noblesse en Toscane. Elle avait deux soeurs et un frère, que je n’ai pas vraiment connu. La famille, chez nous, c’est est assez compliqué. Je n’ai jamais connu mon grand-père parce qu’après s’être séparé de ma grand-mère, il est parti vivre aux Etats-Unis avec sa fille aînée. Quant à mon père, c’était un Italien dont toute la famille s’était exilée à Marseille. Mes parents se sont mariés en Italie et quelques jours après ma naissance, nous sommes partis vivre à Marseille. J’ai jamais osé demander à mes parents les détails de leurs histoires, pourquoi ci, pourquoi ça… On communiquait peu à l’époque.
J’ai passé mes premières années de vie quai de la Joliette, à quelques pas de la Canebière. La seule chose dont je me souviens vraiment, c’est le cinéma au coin de la place de la Joliette et du boulevard République. Il a été fermé par les Allemands pendant la guerre, car il n’y passait que des films américains.
Je suis allé à l’école jusqu’au certificat d’études. J’aurais bien continué un peu plus longtemps, mais l’occasion ne s’est pas vraiment présentée. À la fin de l’année scolaire, notre maître d’école nous avait dit qu’il ferait un cours supérieur pour ceux qui avaient obtenu leurs certificats d’études. Mais quand la rentrée est arrivée, il nous a dit que le chargé d’éducation n’avait pas voulu ouvrir une classe supplémentaire. Alors je me suis inscrit dans une école à Saint Marcel, c’était à 2 km de chez moi. J’y allais en bicyclette. Enfin, ça n’a pas duré longtemps. J’y allais surtout pour manger, parce qu’à la maison, on ne mangeait pas tellement à notre faim. Ça ne m’avait pas plu et puis la guerre commençait à se préparer, alors j’ai arrêté les études. Mon père m’a alors dit : « tu es un âne alors tu resteras un âne.« Alors, je suis resté quelque temps à la maison. Et quand j’ai pu, j’ai commencé à travailler.
Je ne garde pas vraiment un bon souvenir de mon enfance parce que j'étais exploité dans l'âme.
ENTRE RÊVES SPORTIFS ET PREMIERS PETITS BOULOTS
J’ai été embauché comme boy dans un atelier de barques en bois et chaloupes. À l’époque, quand les bateaux de commerce ne trouvaient pas de place dans le port, ils envoyaient des chaloupes pour récupérer la marchandise. Le contremaître était un Corse, un brave type. Je passais tous les matins au bureau en vélo. Je prenais le courrier pour les distribuer chez les fournisseurs, je livrais des colis, etc.
Joseph, devant la maison de son enfance à Marseille. Photo prise le 9 novembre 1944.
J’ai toujours été très sportif. J’adorais le vélo, j’en faisais tout le temps, je rêvais de devenir coureur cycliste. J’ai essayé d’ailleurs, mais mon père me l’a interdit tant que j’étais mineur. Du coup, j’ai commencé la course à pied, mais c‘était pas concluant. J’étais trop faible parce que pas assez nourri. C’était le début de la guerre, les Allemands raflaient tout et ne distribuaient qu’environ 200 gr de pain par jour et par famille. Alors j’ai abandonné la course et je me suis mis à la boxe. J’ai même fait deux combats, j’en ai gagné un et j’ai fait match nul au deuxième. Mais j’ai dû aussi arrêter par manque de force.
L’EXIL SALUTAIRE A SALON DE PROVENCE
Quand la guerre a commencé, j’avais 16 ans. Il y avait un voisin qui était un peu plus âgé que moi, un Espagnol. Une nuit, on entend des bruits de bottes sur les pavés, c’était les gendarmes. Ils ont arrêté le jeune Espagnol et l’ont envoyé à Dunkerque. Puis une semaine après, une nuit, on entend le même bruit de gros souliers. Les gendarmes étaient de retour. Le jeune espagnol avait réussi à s’échapper pour revenir chez lui. Quand ils sont revenus le chercher, il est monté sur le toit de la maison pour redescendre par la cheminée. Mais malheureusement quand il est arrivé en bas, les gendarmes l’ont cueillis. Cette fois, ils l’ont envoyé en Allemagne. Il s’en est sorti vivant, car je l’ai revu à la Libération, au mariage de ma soeur. Mais cette nuit là, quand j’ai vu ça, j’ai dit à mon père que je ne pouvais pas rester ici parce qu’ils viendraient me chercher aussi. Je ne voulais pas être enrôlé de force.
Alors j’ai fait mon baluchon et je suis parti à Salon-de-Provence, chez une tante. Elle tenait un restaurant cabaret qui faisait aussi dancing. J’étais content parce que je pouvais enfin manger à ma faim. Comme j’étais toujours affamé, j’avais le droit à du rabiot. Je mangeais plus que les clients ! À vrai dire, je faisais plus office de garde que d’autres choses. Je passais surtout mon temps à danser avec les filles. Ha ça, j’ai toujours aimé les filles !
Joseph, à gauche, aux côtés d’amis. Photo prise à Salon de Provence en 1947.
Ecoutez Joseph raconter ses soirées au dancing de sa tante :
LES ANNÉES RUBGY
Pendant toute la durée de la guerre, Joseph a fait partie de l’équipe de Rugby de Salon de Provence.
Ecoutez Joseph raconter ses années de rugbyman :
Ainsi que le jour où il a blessé fatalement un joueur adverse :